ECO-ANXIETE : Nos émotions et nos pensées automatiques face à la peur des catastrophes climatiques

 

Cette rentrée n’est pas comme les autres. Les questions environnementales sont plus présentes qu’en 2022 ou 2021 dans les medias . Déjà le nombre d’articles de presse écrite en France évoquant l’éco-anxiété était passé de 259 en 2020 à 1802 en 2022 (répertoriés par Europresse).

Mais, en s’emparant du sujet, les journalistes présentent l’aspect anxiogène du changement climatique. Ils insistent sur les catastrophes présentes comme les incendies au nord du Canada depuis juin 2023 , et à venir telles que la fonte de 30 à 80% des glaciers de l’Himalaya d’ici la fin du siècle (Journal La Croix du 27 septembre 2023).

Ces derniers mois nous sommes informés plus fréquemment que ce à quoi nous étions habitués, et mis face à des images parfois insoutenables. Pendant que nos yeux regardent sur écran, et que nos oreilles entendent la description précise de phénomènes climatiques menaçants, les données chiffrées de la « trajectoire » de l’augmentation des températures s’énoncent.

Immergés dans ce nouvel environnement global, il faut le dire angoissant, effrayant, que se passe-t-il en nous, quelles émotions vont venir nous traverser ?

Activer la peur en nous, est-ce ou non un levier efficace pour nous pousser à la prise de conscience et à « faire quelque chose » ?

Selon le principe fondamental du Vivant : « le but de la Vie c’est la Vie ». Toute espèce vise à perdurer. Face aux menaces et aux dangers, notre cerveau met en route les réactions automatiques les plus adaptatives possibles : des émotions surgissent, des pensées s’ y associent presque simultanément, des comportements s’ajustent.

Exposés à l’information scientifique, aux annonces de catastrophes et aux images d’incendies, certains vont devenir éco-anxieux, et d’autres iront vers l’évitement, mécanismes involontaires du cerveau.

 

Les éco-anxieux

Le psychologue du travail, Pierre-Eric Sutter décrit les étapes émotionnelles que les éco-anxieux vont traverser, nous rappelant toujours que cette anxiété n’est pas pathologique, sauf si elle s’installe au-delà d’un an. Il a créé il y a 5 ans l’Observatoire de l’Eco-anxiété tout en démarrant en France la recherche scientifique dans ce domaine.

Cette notion se définit comme étant une détresse psychique qui (bien-sûr) a une cause, une prise de conscience aigüe, une clairvoyance de la « globalité systémique » trop large pour nos capacités habituelles à saisir des phénomènes.

L’étape principale qu’il nomme « meta-noïa » (littéralement au-delà de l’esprit) commune à tous les éco-anxieux est celle du passage d’une vision du monde à une autre : « c’est, tout-à-coup, être sur la même longueur d’onde avec les catastrophes écologiques auxquelles on devient sensible alors que les autres y restent indifférents. »

Et, de là, peur, colère, dégout, solastalgie (voir mon précédent article) submergent la personne éco-anxieuse.

Je propose d’aider à soulager cette souffrance émotionnelle en conseillant des composés d’élixirs floraux au plus près de ce que chacun ressent : sentiment d’impuissance, colère envers ceux qui ne trient pas leurs déchets, peur de l’effondrement, etc .

 

Les évitants

Quittons les éco-anxieux , et tournons-nous vers les personnes chez qui d’autres mécanismes adaptatifs du cerveau vont s’activer afin de maintenir à tout prix leur équilibre psychique, leur éviter de paniquer et surtout les maintenir en vie.

De très nombreux « biais cognitifs » ainsi que le déni sont à l’œuvre dans nos raisonnements et nos prises de décision. Le Professeur Antoine Pelisssolo et le Docteur Célie Massini, Psychiatres, détaillent l’importance de tous ces biais : « On ne peut pas les voir soi-même et encore moins les modifier si l’on ne sait pas qu’ils existent ».

« Il y a plusieurs milliers d’années, la résolution de problèmes intellectuels et conceptuels étaient moins essentielle que celle des questions d’alimentation et de sécurité immédiate pour lesquelles toute l’énergie disponible devait être mobilisée. »

J’en citerai 3 parmi la quinzaine de biais cognitifs présentée dans leur livre « Les émotions du dérèglement climatique ».

Le biais de confirmation qui consiste à privilégier inconsciemment les informations qui vont dans le sens de nos croyances et douter de celles qui les réfutent, indépendamment de leur plausibilité.

Le biais de conformation qui nous fait privilégier les hypothèses communément admises.

Enfin l’effet de vérité illusoire qui consiste à s’approprier plus facilement une donnée si elle est facile à comprendre ou qu’elle a été répétée à de nombreuses reprises.

Je leur suis reconnaissante de me permettre de saisir ainsi pourquoi les informations complexes sur le changement climatique, que l’Histoire Humaine n’a pas en mémoire (et qui ne rencontrent pas nos croyances ancestrales) demandent un effort pour être entendues, écoutées. Nous avons besoin de temps pour les intégrer, se les approprier, les retenir. Nous avons parfois besoin d’aide. Agir viendra juste après.

 

Enfin , à l’origine de ces 2 réactions, éco-anxiété et évitement (voire déni) , c’est tout simplement la peur de la mort qui soulève des émotions primaires.

Pierre-Eric Sutter propose à ses patients éco-anxieux des exercices et un travail psychologique sur leur angoisse de finitude. Pour lui le thème de la mort est devenu le plus grand tabou dans nos sociétés contemporaines.

Sa réflexion me semble juste. Il se souvient que pour nos grand-parents le tabou majeur était la sexualité. Tout cela a beaucoup évolué, on ne s’empêche plus de parler de sexualité.

Un meilleur rapport à notre finitude, celle de nos proches, nous conduit aussi à celle du Vivant, et finalement recentre vers l’essentiel.  Prenons le temps de déterminer ce qui a du sens pour nous. Ce travail ouvre à la capacité à agir pour être heureux plutôt que de se distraire, ou de continuer une activité professionnelle ou bien des relations, qui nous font « perdre du temps ».

J’ai cité :

Les émotions du dérèglement climatique L’impact des catastrophes écologiques sur notre bien-être et comment y faire face. Editions Flammarion, 2022 Pr Antoine Pelissolo et D. Célie Massini, Psychiatres (CHU Henri Mondor de Créteil)

Bien vivre son Eco-AnxiétéPrendre soin de soir en prenant soin du monde. Pierre-Eric Sutter, Psychologue du Travail, créateur en 2022 de l’Observatoire de l’éco-anxiété et de la Maison des éco-anxieux, et Sylvie Chamberlin, Coach et consultante en entreprise dans le développement du capital humain, co-créatrice de la Maison des éco-anxieux. Editions Gereso, juin 2023

 

 

ECO-ANXIETE : Fiche synthétique pour mieux comprendre

ECO-ANXIETE : comprendre ce mot

Le terme ECO-ANXIETE vient d’entrer dans le dictionnaire en 2023. Il désigne l’inquiétude ressentie face aux menaces actuelles ou futures auxquelles la Terre est confrontée à cause du changement climatique. C’est bien évidemment la contraction des mots écologie et anxiété.

Plusieurs niveaux de ressenti sont rapportés par ceux qui en souffrent :  S’interroger sur l’avenir du monde et les effets concrets qu’aura le réchauffement du climat atteste plutôt d’une prise de conscience réaliste et s’accompagne d’inquiétude, c’est logique. Mais les jeunes en particulier rapportent bien souvent se sentir débordés par cette anxiété, avoir des pensées incessantes qui ressassent les catastrophes climatiques potentielles à venir au point de ne plus pouvoir profiter des petits moments de bonheur quotidien comme prendre un café avec un ami ou s’asseoir par terre pour jouer avec ses jeunes enfants. Cela peut aller jusqu’à la perte de sommeil.

C’est un état qui nécessite de l’aide, du soin.

 

AUTRES NOUVEAUX TERMES : SOLASTALGIE, DEUIL ECOLOGIQUE

D’autres termes ont également fait leur apparition dans ce champ des angoisses et de la détresse liées au climat.

Si l’éco-anxiété est une peur anticipative, la SOLASTALGIE est à l’inverse tournée vers le passé : Elle décrit le sentiment douloureux de voir un endroit naturel connu, aimé, associé à des moments heureux, un lieu de refuge et de réconfort, modifié sans retour en arrière possible. Ce terme se compose du mot anglais « solace » qui signifie réconfort et du mot « algie » qui veut dire douleur. Il renvoie donc à la douleur de perdre son habitat.

Il a été créé par un ancien professeur en Philosophie de l’Environnement à l’université de Murdoch en Australie nommé Glenn Albrecht.

Le DEUIL ECOLOGIQUE a été défini par la chercheuse canadienne Ashlee Cunsolo comme « la douleur ressentie face aux pertes environnementales actuelles ou anticipées. »

Je développe en ce moment des séances visant à retrouver un mieux-être, à diminuer l’intensité du stress ou de l’anxiété, afin que ceux qui souffrent trouvent un soulagement et l’élan vers une forme de résilience qui leur sera propre et leur permettra de se sentir à nouveau acteurs.

La problématique de l’éco-anxiété est encore relativement récente, mais les confinements dûs à la crise sanitaire de 2020 et 2021 ainsi que les canicules des derniers étés ont accéléré la prise de conscience du changement de notre environnement . Celle-ci est nécessaire mais s’accompagne souvent de peurs et d’inquiétudes pour lesquelles nous avons besoin d’aide, de temps, d’écoute, de bienveillance, d’humanité.

Source : Je m’appuie plus particulièrement sur le livre « Les émotions du dérèglement climatique », sous-titré : « L’impact des catastrophes écologiques sur notre bien-être et comment y faire face !  » Du Pr Antoine Pelissolo et du Dr Célie Massini. Editeur : Flammarion, 2021.